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mercredi 14 septembre 2011

Crise: des présidentiables au chevet de l'euro




Ils sont quatre, réunis en cette matinée du 14 septembre dans une salle de travail de l’Assemblée nationale. Quatre hommes politique de tous horizons, rassemblés à l’appel de l’association « Manifeste pour un débat sur le libre-échange » afin d’examiner les ressorts de cette crise économique et financière qui n’en finit plus de secouer l’Europe.

Aux côtés du radical François Loos, ancien ministre, figurent trois candidats à l’élection présidentielle de 2012 que rien, a priori, ne devait conduire à se rapprocher. Et pour cause : venus d’horizons différents, ils ont également adopté des stratégies fort dissemblables. L’un, Arnaud Montebourg, est membre d’un grand parti, où il essaye de faire entendre sa petite musique démondialisatrice, en se portant candidat aux primaires. L’autre, Jean-Pierre Chevènement, a quitté ce même parti socialiste il y a fort longtemps. Il envisage aujourd’hui une « candidature pédagogique », dans le but de « faire bouger les lignes ». Le troisième, Nicolas Dupont-Aignan, tourna le dos à l’UMP en 2007, pour ne pas écorner ses convictions gaullistes. Il portera en 2012 les couleurs de son mouvement, Debout la République.

Le colloque débute par une mise en bouche : quelques exposés d’économistes tels Jean-Claude Werrebrouck, Jean-Luc Gréau, ou Hervé Juvin. Ils commentent un sondage IFOP réalisé à la demande de l’association organisatrice. Cette enquête, d’abord menée en France, puis prolongée en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, offre un verdict inattendu : les européens sont protectionnistes. A l’exception des Anglais, plus de 70 % des sondés sont favorables à l’augmentation des droits de douane aux frontières de l’Europe. Ce chiffre atteint même 80% du panel français.

Ce sondage traduit les inquiétudes de très nombreux européens quant aux effets de la mondialisation marchande. Mais lorsqu’interviennent à leur tour les trois présidentiables, c’est d’abord sur le terrain de la globalisation financière qu’ils se placent. En effet, cependant que les marchés s’affolent et que tous les regards convergent vers la Grèce, un diagnostic s’impose : nous traversons actuellement une crise de la dette, qui est également une crise de l’euro. Car cette monnaie dramatiquement surévaluée ruine notre compétitivité, affecte nos exportations et favorise les délocalisations. Sur ce point, Chevènement met en garde : « pas plus que l’arbre ne doit cacher la forêt, la question de la Grèce ne doit occulter le problème de l’euro ».

Pour sauver l’euro, Arnaud Montebourg s’est déjà prononcé pour une « monétisation de la dette » : il est favorable au rachat, par la Banque Centrale Européenne, de titres de dette des pays en grande difficulté. Une monétisation massive aurait notamment pour effet de dissuader la spéculation. Mais il semble désormais bien difficile d’aller au-delà des rachats de dette espagnole et italienne réalisés cet été par la BCE. Les allemands y sont globalement défavorables, et le seuil de tolérance de certains de leurs responsables semble désormais atteint. En témoigne la récente démission du chef économiste allemand de la Banque centrale, Jürgen Stark. Déjà en février, un autre allemand, Axel Weber, avait décidé de renoncer au remplacement de Jean-Claude Trichet, pour lequel il était pressenti.

Faute de solution, la monnaie européenne serait-elle donc vouée à disparaître, alors que se murmure l’hypothèse d’une sortie de la Grèce, qui ne manquerait pas d’entraîner à sa suite d’autres pays en quête d’oxygène, tels le Portugal, l’Irlande ou l’Espagne ?

Jean-Pierre Chevènement et Nicolas Dupont-Aignan l’entendent d’une autre oreille. Car si la création de l’euro fut à leurs yeux une erreur, celui-ci existe bel et bien, et il serait très incertain politiquement de prôner l’abandon de ce que d’aucuns considèrent comme la réalisation majeure de l’Union européenne. L’un et l’autre se rejoignent donc pour défendre la mutation de l’euro en monnaie commune. Au lieu d’imposer un carcan à des pays économiquement très hétérogènes, cet euro adapté constituerait ce que Chevènement appelle « un toit européen commun », autrement dit « une devise européenne constituée d'un panier de monnaies nationales qui pourraient fluctuer dans certaines marges négociées ». Et Dupont-Aignan d’ajouter non sans audace qu’une telle mue de l’euro, loin de conduire à des sorties intempestives de l’eurozone permettrait à des pays non membres…d’y entrer !

Réunis aux côtés d’économistes de toutes obédiences, des candidats de droite et de gauche à l’élection suprême mettent un instant de côté leurs divergences, et parviennent à faire surgir des points d’accord inattendus. Quand d’autres, au sein d’une même famille politique, et parfois d’un même parti, s’invectivent pour des vétilles, il serait regrettable qu’ils ne soient pas entendus.

A l’heure où fleurissent des rumeurs concernant le rachat d’une partie de la dette italienne par l’empire du Milieu, il serait saumâtre que, pour ne pas avoir à écouter la supplique de la « conjuration des hétérodoxes », nous préférions nous vendre à la Chine.

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