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lundi 5 mai 2014

L’Européisme : une idéologie de substitution pour la droite comme pour la gauche


eurobéât
Ci-dessus, une affiche à la gloire des fameux « eurobéâts »

Cet article est initialement paru sur le site de LaCroix.com

Le débat européen s’ouvre peu à peu et l’on peut désormais se risquer à émettre des doutes quant à la nature – antidémocratique et économiquement inégalitaire – de la construction européenne actuelle sans risquer le discrédit de soi-même et de ses descendants sur quatre ou cinq générations. Pourtant, force est de l’admettre : cette liberté de parole est récente. Longtemps, ce débat a fait l’objet d’un véritable phénomène d’occultation. Quelles en sont les raisons ?
On peut donner plusieurs explications, la principale résidant dans l’étonnante capacité de l’idée européenne à fournir à qui les lui demande les moyens d’une bonne conscience à peu de frais. Bien sûr, à ses débuts, l’Europe apparaît comme une opportunité de rédemption indispensable et l’occasion de sortir définitivement du tunnel guerrier de 1914-1945. Mais aujourd’hui encore, et c’est plus étonnant, sa seule invocation permet d’apparaître à qui en use comme l’heureux dépositaire d’une sorte de supplément d’âme.
C’est très commode pour qui entend camoufler certaines de ses préférences idéologiques. A la droite de l’échiquier politique par exemple, l’Europe a bon dos. Elle permet de dissimuler une prise de distance progressive d’avec la tradition gaulliste, et l’abandon d’une certaine idée de la grandeur et de l’indépendance nationales au profit d’un ralliement aux puissances de l’argent. C’est un secret de polichinelle : les principes économiques d’inspiration néolibérale dominent la construction européenne. Celle-ci est devenue un fer de lance de la « concurrence non faussée » et de la croyance en la réalisation de « l’allocation optimale des ressources » par les marchés de capitaux. Tout le monde le dit désormais, au point que ça semble une antienne. A moins que ce ne soit simplement une réalité ? Quoiqu’il en soit, pour ceux que cela réjouit sans qu’ils l’assument tout à fait, c’est une aubaine que de pouvoir dissimuler leurs préférences sous quelques grands principes et une poignée de mots ronflants. Lorsqu’on est acquis à la « libre circulation des marchandises et des capitaux », quelle chance de pouvoir faire croire qu’on aime en réalité la Paix et la Démocratie – majuscules, toujours majuscules.
A gauche, l’idée d’Europe tient un double rôle. Elle sert à la fois de cache-misère et d’idéologie de substitution. De cache-misère car elle permet, ici aussi, d’escamoter un ralliement sans condition aux préceptes néolibéraux. La gauche actuellement au pouvoir, qui n’a, pour tout projet de société, que la réduction des déficits publics à 3 % du Produit intérieur brut, est trop heureuse de pouvoir imputer à « Bruxelles » son manque sidéral d’ambition. Mais L’Europe lui tient également lieu de Grand Dessein par défaut, cependant que l’expérience soviétique semble avoir disqualifié le socialisme. Exclusivement soucieuse, désormais, de paraître respectable, la gauche s’est crue obligée de jeter le bébé avec l’eau du bain et de tout bannir sans distinction, l’intégralité des thèses marxistes et l’horreur stalinienne, la défense du peuple et le souvenir traumatisant du Goulag.
On nous a rebattu les oreilles avec la thématique de « la fin des idéologies ». C’était une erreur. Les lunettes déformantes de l’idéologie, qui brouillent la vision et altèrent le jugement, sont toujours là. L’européisme est bel et bien une idéologie, qui a pris la place d’autres, tombées en désuétude. Elle en a les caractéristiques et, comme toute religion séculière, elle a ses adeptes. Elle a aussi son clergé, prompt à poursuivre de sa vindicte les blasphémateurs, ceux qui osent mettre en doute la sacralité de l’objet révéré : l’Union européenne.
Mais la communion de la droite et de la gauche dites « de gouvernement » dans l’idolâtrie sans condition de l’UE ne va hélas pas sans poser problème. Elle contribue à accréditer la thèse défendue par le Front national selon laquelle il existe une collusion de « l’UMPS ». Le FN se présente évidemment comme la seule voix divergente, donc la seule alternative possible. A quelques semaines d’élections européennes qui risquent de se solder par un triomphe du parti d’extrême-droite, peut-être serait-il temps de prendre enfin conscience de ce phénomène, ne serait-ce que pour pouvoir y porter remède.
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5 commentaires:

  1. Isabelle Maire du Poset5 mai 2014 à 10:25

    ce n'est pas la "collision" UMPS mais la "collusion"... à part ça, excellente analyse !

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  2. Maintenant certains rigolos veulent faire passer le souverainisme pour une religion : http://www.lepoint.fr/editos-du-point/franz-olivier-giesbert/le-souverainisme-religion-des-imbeciles-01-05-2014-1818170_70.php

    C'est le monde à l'envers !

    Que la charge soit aussi violente signifie peut-être que FOG panique et craigne que l'UE s'effondre sous peu.

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    1. Ah oui, comme on les a traités de curés, ils essaient de retourner le stigmate !

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  3. Denis Monod-Broca11 mai 2014 à 01:01

    Idolâtrie

    L'Europe est Paix, elle est Protection, elle est Prospérité, elle est Histoire - ah ! ce "sortir de l'Europe, c'est sortir de l'Histoire"... - elle est Union, Nombre, Force, elle est Puissance, elle est Modèle et Promesse pour le reste du monde, elle est à la fois elle et autre - "l'Europe, oui ! mais une autre Europe" disent les slogans - elle est responsable de tout, dans le Bien comme dans le Mal : force est de le voir, elle est une toute-puissante divinité. Elle a son clergé, en gros nos classes dirigeantes politiques, économiques et médiatiques. Elle a son catéchisme, ils disent "faire de la pédagogie", mais on sait ce que ça signifie : convaincre les foules des bienfaits de leur chère idole. Et elle a ses infidèles, ceux qui n'ont pas la foi, les bien nommés "eurosceptiques", honte sur eux ! tous des populistes, des extrémistes, des crypto-fascistes... - Note au passage : il suffit aux néo-nazis de Kiev d'être affublés d'une étiquette "pro-européens" pour aussitôt se muer en alliés parfaitement présentables. Authentique miracle - Et comme toute idole, elle a besoin d'offrandes : les nations et leur souveraineté lui sont sacrifiées, la démocratie lui est sacrifiée - ah ! ces larmes de crocodiles sur le "déficit démocratique"... - et maintenant, pour sauver l'euro, des peuples entiers lui sont sacrifiés. Tout ça va finir un jour, mais que de dégâts !

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